Israël au miroir de l’Amérique latine – Maurice LEMOINE

En Amérique latine comme ailleurs : l’effroi. Ce 7 octobre 2023, forçant les clôtures de l’atroce prison à ciel ouvert que constitue la bande de Gaza, les combattants du Hamas, la faction islamiste de la résistance palestinienne, s’infiltrent dans le sud d’Israël. Leur offensive y entraîne la mort de 1 163 Israéliens, dont 767 civils [1], et l’enlèvement de 245 otages (d’après les chiffres de la Cour pénale internationale ; CPI). En représailles, au nom d’une politique à caractère depuis longtemps messianique, le gouvernement de Benjamin Netanyahou entreprend ce qui va très rapidement devenir le massacre de la population palestinienne de Gaza.

Au sud du Rio Grande, frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, les premières réactions s’accordent sur un point : de nombreuses atrocités ont accompagné l’opération militaire du Hamas. Le Brésil de Luiz Inácio Lula da Silva condamne « les attaques terroristes contre les civils ». Gouvernés par la droite, l’Uruguay, l’Argentine, le Paraguay (seul Etat de la région à définir le Hamas comme une « organisation terroriste »), le Costa Rica, le Guatemala, Panamá, le Salvador et l’Equateur, retrouvent les réflexes adoptés à l’occasion de la guerre en Ukraine : systématiquement alignés sur la position des Etats-Unis (à l’exception du Salvador, parfois en délicatesse avec Washington), ils condamnent la « barbarie » du Hamas et soutiennent inconditionnellement Israël.

En « pro-Netanyahou chimiquement pur », le président argentin Javier Milei se distingue particulièrement. Immédiatement après son élection, un premier voyage dans un avion privé financé par celui qu’il va nommer ambassadeur aux Etats-Unis, le magnat israélite Gerardo Werthein, propriétaire d’une des holdings les plus grandes du pays, l’a mené à New York, où il s’est recueilli sur la tombe du Rabbi Loubavitch, fondateur d’une secte économiquement puissante du judaïsme ultraconservateur. Immédiatement après, Milei s’est envolé pour Israël où l’on a pu le voir, entouré de rabbins orthodoxes, sangloter ostensiblement devant le mur des Lamentations. Annonçant qu’il reconnaîtra Jérusalem comme capitale de l’Etat d’Israël, ce catholique plus ou moins converti au judaïsme, sous l’influence d’Eduardo Elsztain (propriétaire de Cresud, du groupe immobilier IRSA, des Shoppings porteños, de Banco Hipotecario et d’un million d’hectares de terres), rompt ainsi avec la tradition argentine de non-alignement dans les conflits au Moyen-Orient.

Javier Milei et Benjamin Netanyahou (février 2024).

On notera au passage que, considéré comme appartenant au centre-gauche et encore au pouvoir le 7 octobre 2023, le prédécesseur du « libertarien », Alberto Fernández, a lui aussi soutenu sans réserve Israël et annoncé l’envoi d’une aide humanitaire à ce pays. Dans une Argentine qui compte la plus importante communauté juive d’Amérique latine, difficile, alors qu’on était à la veille de l’élection présidentielle (néanmoins perdue au bénéfice de Milei), de ne pas tenir compte du poids de cet électorat.

Dès le 18 octobre, alors qu’il présidait les quinze membres du Conseil de sécurité de l’ONU, le Brésil a présenté une résolution appelant « à une pause humanitaire » entre les belligérants. Exhortant « toutes les parties à se plier pleinement aux obligations du droit international, notamment les droits humains internationaux, y compris dans la conduite des hostilités  », le texte fut rejeté en raison du veto des Etats-Unis.

Rappelant son appui à la solution « à deux Etats », Brasilia se trouve depuis accompagné à gauche (et entre autres) par le Mexique et la Colombie, mais aussi sur sa droite par l’Equateur et le Pérou. Une position que soutient également, au Chili, Gabriel Boric, cinglant avec le Hamas, mais également très critique des actions de Tsahal (l’armée israélienne). En compagnie du mexicain Andrés Manuel López Obrador (AMLO), Boric saisit la CPI pour qu’elle enquête « sur les crimes israéliens commis contre des civils dans la bande de Gaza ». Il est vrai que, pour lui, la problématique est la même qu’en Argentine, mais en inversé : avec de l’ordre de 350 000 à 400 000 personnes, le Chili abrite la plus forte communauté palestinienne en dehors du Proche-Orient.

D’emblée, les quatre principaux pays de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), Cuba, le Venezuela, le Nicaragua et la Bolivie, ont replacé le tragique épisode dans son véritable contexte : il ne s’agit pas d’une guerre « entre le Hamas et Israël », née brusquement le 7 octobre, comme le rabâchent un peu partout les « éditocrates » pour manipuler l’opinion. Dans une allocution télévisée, le président vénézuélien Nicolás Maduro déclare : « Nous ne sommes pas d’accord avec certaines images des événements violents qui ont eu lieu, mais nous devons regarder d’où tout cela provient : le siège de Gaza, permanent ; le bombardement de Gaza, permanent ; l’apartheid qui existe à Gaza, permanent. »

Sans soutenir davantage les exactions commises dans le cadre de l’attaque du Hamas, mais sans utiliser les mots « terrorisme » ou « terroristes », obligatoires à Paris pour éviter de se retrouver devant un juge et échapper à la très médiatique Inquisition, le ministère des Relations extérieures cubain souligne que les évènements sont « la « conséquence de 75 ans de violation permanente des droits inaliénables du peuple palestinien et des politiques agressives et expansionnistes d’Israël ». Un résumé de ce que tout un chacun devrait savoir si le conformisme ambiant n’avait définitivement supplanté l’information : de 1948 à 2023, 247 résolutions du Conseil de sécurité, en théorie immédiatement exécutoires, ont été violées par… « le seul Etat démocratique » (selon la formule consacrée) du Proche-Orient [2].

Dès que la contre-offensive militaire menée contre Gaza a montré sa véritable nature, le président cubain Miguel Díaz-Canel a averti : « L’histoire ne pardonnera pas aux indifférents. » De fait, alors que les bombardiers, l’artillerie lourde, les tanks, les mortiers, les mitrailleuses de toutes sortes s’acharnent sur la population palestinienne et que les dirigeants « occidentaux » refusent d’adopter une position ferme contre cette sauvagerie, c’est la gauche latino-américaine qui va montrer la voie.

Considérant « inacceptable » le veto de Washington à la résolution proposée par le Brésil au Conseil de sécurité, la représentante du Mexique aux Nations unies, Alicia Buenrostro, hausse le ton : les attaques indiscriminées d’Israël contre les civils « pourraient constituer des crimes de guerre ». Le Chili, la Colombie et le Honduras rappellent leurs ambassadeurs pour consultation. En langage diplomatique, une telle mesure est un fort signal de mécontentement.

Huit mille cinq cents morts sont déjà à déplorer quand, le 11 novembre 2023, le gouvernement bolivien de Luis Arce va plus loin en rompant toute relation avec Tel Aviv. Somme toute, il ne s’agit que d’un retour à la situation antérieure au coup d’Etat qui, en novembre 2019, a renversé Evo Morales. Alors au pouvoir, ce dernier avait déjà expulsé l’ambassadeur israélien et rappelé le sien, début 2009, en réaction au caractère disproportionné de l’opération « Plomb durci » (13 Israéliens et 1 400 Palestiniens tués). En 2014, dans le contexte de l’opération « Bordure protectrice », le même Morales déclara considérer Israël comme « un Etat terroriste ». Les relations n’auront donc été rétablies que par la brève dictature de Janine Áñez, présidente de facto du 12 novembre 2019 au 7 novembre 2020.

Trente mille morts, d’après le Hamas, le 18 février 2024… A l’occasion du sommet de l’Union Africaine, à Addis-Abeba, Lula, le premier président brésilien à avoir visité Israël et les territoires occupés en mars 2010, met cette fois « les pieds dans le plat » : « Ce qui se passe dans la bande de Gaza n’est pas une guerre, c’est un génocide… Ce qui se passe dans la bande de Gaza avec le peuple palestinien ne s’est produit à aucun autre moment de l’histoire. En fait, cela s’est déjà produit : lorsque Hitler a décidé de tuer les Juifs. » Alors que Washington et ses satellites suspendent leur aide à l’Agence des Nations unies pour les réfugiés à Gaza (UNRWA), accusée de connivence avec les « terroristes » du Hamas à partir de quelques cas isolés, le Brésil annonce augmenter sa contribution. Cela vaut à Lula d’être déclaré personnalité non grata en Israël. Une sorte de bis repetita  : en février 2016, sous la présidence de Dilma Rousseff, le Brésil avait été qualifié de « nain diplomatique » par Tel Aviv pour avoir refusé comme ambassadeur Dani Dayan, l’un des animateurs de la colonisation de la Cisjordanie.

Lula reçoit immédiatement l’appui des présidents colombien Gustavo Petro et bolivien Arce, qui à leur tour emploient le mot « génocide » etsoutiennent la démarche de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice (CIJ). Pretoria y accuse Israël de violer ses obligations au titre de la Convention pour la prévention et la répression de ce crime absolu. Avec un prolongement lourd de conséquences : principal fournisseur, avec les Etats-Unis, des forces de sécurité colombiennes, Tel Aviv suspend l’ensemble de ses contrats de défense avec Bogotá.

Au terme d’échanges particulièrement houleux, Petro annonce le 1er mai 2024 que non seulement il répond à Tel Aviv en suspendant lui-même l’achat d’armements fabriqués par Israël – ce qui provoque indignation et fureur au sein de la droite militariste colombienne, déjà vent debout contre lui –, mais que son pays rompt à son tour les relations diplomatiques avec les bourreaux de la population gazaouie et des territoires occupés. Comme il se doit, sa position donne lieu à l’accusation d’antisémitisme, de négationnisme voire, comme pour ses homologues de la gauche continentale (et d’ailleurs), de connivence avec le « djihadisme ». Aussi malhonnête qu’absurde : aucun n’attaque la communauté juive ni même ne remet en question l’existence d’Israël. Souvent accusé d’un outrancier radicalisme, le président nicaraguayen Daniel Ortega lui-même, au lendemain du 7 octobre, a émis un communiqué exprimant la solidarité de son pays « aux victimes et aux familles innocentes » d’Israëlavant de préciser : « Les peuples palestinien et israélien ont le droit de vivre de façon sûre et en paix ».

De l’antisémitisme réel et non fantasmé…

Nul ne l’oublie : au lendemain de la Seconde guerre mondiale, le Brésil, l’Argentine, le Chili et le Paraguay ont abrité des criminels de guerre nazis. Josef Mengele au Paraguay, Adolf Eichmann en Argentine, Klaus Barbie en Bolivie, pour ne citer qu’eux. Toutefois, en 1947, treize des trente-trois voix en faveur du « plan de partage » de l’ONU [3] provinrent d’Amérique latine. Une fois créée l’entité sioniste, et si elles adoptèrent des positions relativement neutres à l’égard du premier conflit israélo-arabe, la quasi-totalité des nations du continent reconnut le nouvel Etat [4]. A une notable exception : la Colombie. Ce qui ne manque pas de sel à l’heure où le terme « antisémitisme » se voit accolé au nom de Petro.

Si une telle discrimination a existé, c’est précisément à l’époque, sous la gouvernance de l’oligarchie. Alors que, du fait de l’avènement du Troisième Reich, les pays du Cône Sud, quelle que soit leur couleur idéologique, accueillent entre 25 000 et 45 000 réfugiés juifs, le ministère colombien des Affaires étrangères, en 1939, après la Nuit de Cristal, émet une circulaire qui précise : « Il est nécessaire que les consuls, dans leur juridiction, mettent tous les obstacles humainement possibles à la délivrance de nouveaux passeports aux éléments juifs ». Emis en septembre, le décret 1723 interdit les visas pour les Juifs de toute nationalité, même en transit. Si le chancelier « libéral » Luis López de Mesa entend favoriser l’immigration européenne pour « améliorer la race colombienne », ce sera en effet à l’exception des Juifs, qui ont « une orientation parasitaire de la vie » et « des coutumes invertébrées d’assimilation de la richesse par l’échange, l’usure, le troc et la tromperie [5] ».

En raison de ce racisme pur et dur des deux partis traditionnels, le libéral et le conservateur (admirateur, en ce qui le concerne, de la Phalange espagnole et de l’Allemagne nazie), seuls 6 000 israélites parviendront à entrer en Colombie jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale.

Au même moment (1939), à Santiago, le secrétaire général du Parti socialiste, Salvador Allende, intercédait auprès du président de la République Pedro Aguirre Cerda pour que les réfugiés juifs allemands arrivant sur les côtes américaines sans visas soient admis au Chili.

Lors des votes sur le « plan de partage » en 1947 et sur la création de l’Etat d’Israël en 1949, la Colombie s’est abstenue. Il convient d’attendre avril 1957 pour que des relations diplomatiques soient établies. Il a fallu pour cela… la nationalisation du canal de Suez par Gamal Abdel Nasser, l’invasion de l’Egypte par Israël et ses alliés impérialistes français et britanniques en octobre 1956, puis, au terme d’une guerre éclair se terminant par un fiasco pour les assaillants, un appel de l’ONU à créer une force d’interposition entre Israël et l’Egypte. Bien avant qu’Israël ne prenne pied en Amérique latine, la Colombie surgit au cœur du Moyen-Orient ! Le 10 novembre 1956, un peloton de ses militaires, coiffés chacun d’un casque bleu (les premiers de l’Histoire) pénètrent dans la bande de Gaza où ils vont demeurer jusqu’au 13 mai 1958.

A nouveau sollicité par l’ONU en 1982, Bogotá enverra cinq cents hommes de son Bataillon Colombie n°3 dans le Sinaï où, avec des contingents de douze autres nations, ils protègent aujourd’hui encore les installations de la Force multinationale de paix et d’observation (MFO) chargée de vérifier le respect du traité de paix entre Israël et l’Egypte [6].

Entretemps, on le verra plus avant, avec pour boussole l’alignement inconditionnel sur Washington, les relations entre Bogotá et Tel Aviv ont changé du tout au tout.

Juifs et « Arabes » du Nouveau monde

Selon les estimations, entre 500 000 et 750 000 Juifs vivent en Amérique latine, dont une majorité, 230 000, en Argentine (troisième communauté du continent après les Etats-Unis et le Canada) et au Brésil. Le Mexique en compte environ 50 000, dont la plupart vivent à Mexico. Peu d’entre eux ont exercé le pouvoir au plus haut niveau, si l’on excepte, « par héritage familial », le président péruvien (de droite) Pedro Pablo Kuczynski (2016-2018), né à Lima d’une mère française protestante et d’un père juif allemand ayant fui la montée du nazisme ; le vénézuélien (de gauche) Nicolás Maduro Moros, dont les grands-parents maternels et paternels, Juifs séfarades arrivés de Hollande via l’île de Curaçao, se sont convertis au catholicisme sur le continent américain ; et, depuis peu, l’ex-mairesse de Mexico Claudia Sheinbaum, élue présidente du Mexique le 2 juin 2024 pour le Mouvement de rénovation nationale (Morena ; gauche) : tous juifs, ses grands-paternels sont originaires de Lituanie et, du côté de sa mère, ont quitté la Bulgarie durant la Seconde guerre mondiale.

Hier comme aujourd’hui, cette diaspora hétérogène comprend aussi bien des financiers, des banquiers ou des grands négociants que des intellectuels, des artisans, des commerçants, des employés, des travailleurs, avec ou sans qualification. Juifs orthodoxes, libéraux, laïques (comme Sheinbaum) ou même athées, conservateurs, socialistes ou anarchistes, ils sont présents sur tout l’arc des opinions politiques (ce qui n’est pas le cas des associations, généralement conservatrices et très pro-israéliennes, censées les représenter) [7].

En février 2019, sous la présidence du leader d’extrême droite Jair Bolsonaro, vu trois ans auparavant en compagnie de Netanyahou devant le Mur des lamentations, le pro-sioniste affirmé Davi Alcolumbre va devenir la première personnalité juive à siéger à la tête du Sénat brésilien. « Nous sommes très fiers d’avoir un formidable juif et ami d’Israël au poste de président de cette chambre législative, réagit alors l’ambassadeur israélien Yossi Shelley sur les réseaux sociaux. Au nom du peuple et du gouvernement d’Israël, je vous souhaite Hatzlacha et Mazel Tov [succès et bonne chance].  »

Géographiquement pas très loin de là, et d’après feu le rabbin Marshall T. Meyer, membre de la Commission nationale des disparus (Conadep) créée en Argentine le 15 décembre 1983, trois mille membres de la communauté juive – professeurs universitaires, étudiants, hommes d’affaires, artistes, écrivains ou journalistes de gauche – figurent parmi les trente mille morts et disparus de la dictature (1976-1983).

Le chiffre le plus fréquemment cité estime à 18 millions le nombre de latino-américains ayant une origine « arabe », c’est-à-dire descendant des vagues de migrants syriens, libanais ou palestiniens débarqués entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle [8]. Parmi eux, entre 600 000 et un million de Palestiniens. Que dépassent de loin les Libanais : 15,4 millions de personnes [9] ! Les uns et les autres très présents dans la vie politique : Carlos Menem, président argentin (1989-1999), d’origine syro-libanaise (mais nommant ministre de l’Environnement Sergio Bergman, un rabbin qui n’abandonnera jamais sa kipa) ; le colombien Julio César Turbay (1978-1982), issu de la communauté libanaise, comme l’équatorien Abdalá Bucaram (1996-1997), le brésilien Michel Temer, tombeur et successeur de Dilma Rousseff (2016-2018) ; parmi les descendants de migrants palestiniens figurent le chef de l’État hondurien Carlos Flores Facussé (1998-2002), son homologue salvadorien Antonio Saca (2004-2009), ou, toujours au Salvador, l’autoritaire Nayib Bukele. Lequel, lors des événements récents, et rappelant ses origines, a condamné le Hamas, distingué « la cause palestinienne » des agissements de ce « groupe terroriste », qualifiant au passage ses membres de « bêtes sauvages » et d’ « animaux ».

Au-delà de ce turbulent personnage, régulièrement mis en cause pour sa politique hyper-répressive, pas de profil type. Au sein de ces communautés majoritairement converties au catholicisme, on trouve l’un des hommes les plus riches du monde, le mexicain Carlos Slim ; les membres de l’oligarchie hondurienne connue sous l’appellation péjorative de « turcos » (familles Facussé, Larach, Canahuati, Nasser, Kafie, Atala, etc.), directement impliquée dans le coup d’Etat de 2009 contre le président Manuel Zelaya (en compagnie des puissantes familles juives des Goldstein ou des Rosenthal) ; l’un des historiques chefs de la guérilla marxiste salvadorienne des années 1980, Shafik Hándal ; énormément de commerçants (petits et grands) ; les footballeurs du club Deportivo Palestino créé dans la banlieue de Santiago (Chili), dès 1920 ; des masses de citoyens « lambda » et des personnalités admirées (l’acteur argentin Ricardo Darín), voire adulées (la chanteuse colombienne Shakira).

Sans être déterminante, l’existence de ces divers groupes humains a favorisé un intérêt particulier des « latinos » pour la région moyen-orientale.

Des immigrants turcs à Buenos Aires, en Argentine en 1902.

Tegucigalpa, après le coup d’État contre Manuel Zelaya : « Nous ne voulons plus de Turcos » , FNPR (Front national de résistance populaire).

L’Etat palestinien

C’est le 15 novembre 1988 à Alger que, s’appuyant sur la résolution 181 de l’ONU (1947), l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), par la voix de Yasser Arafat, proclama la création de l’Etat palestinien. Celui-ci fut immédiatement reconnu par les gouvernements révolutionnaires de Cuba (Fidel Castro) et du Nicaragua (Daniel Ortega). La Havane ayant rompu ses relations avec Israël en 1973, pendant la guerre de Yom Kippour, Arafat avait effectué une visite officielle dans l’île en 1974 et, depuis 1978, l’OLP disposait déjà d’une représentation diplomatique à Cuba. Une autre avait été ouverte en 1975 au Brésil et deux suivront, d’abord en 1982 en Bolivie (sous le président de gauche Hernán Siles Zuazo, incarnation du retour à la démocratie), puis en 1992 au Chili (gouverné par le démocrate-chrétien Patricio Aylwin, premier chef d’Etat après la dictature d’Augusto Pinochet).

Le 18 juin 1959, à l’invitation du président égyptien Gamal Abdel-Nasser, Che Guevara visite les camps de réfugiés palestiniens de Gaza et utilise le mot « résistance » en évoquant la suite des événements.

Première visite de Yasser Arafat à Cuba.

Dans un premier temps, on en resta là. Sous la baguette des chefs d’orchestre installés à la Maison-Blanche et au Département d’Etat, c’est dans l’orbite de Tel Aviv que les gouvernants d’Amérique latine, globalement, se positionnaient. Pour ne prendre que cet exemple, en décembre 1991, à l’ONU, tous les pays de la région, à l’exception de Cuba, votèrent le rejet de la résolution 3379 définissant le sionisme comme « une forme de racisme et de discrimination raciale » (adoptée en novembre 1975 et révoquée à cette occasion).

Il fallut attendre 2008 pour qu’’une nouvelle nation rejoigne les deux précurseurs : le Costa Rica. Depuis longtemps déjà, le social-démocrate Óscar Arias, nommé (à tort ou à raison) prix Nobel de la paix pour son rôle de « médiateur » lors des conflits armés centraméricains (Salvador, Nicaragua, Guatemala) pendant son premier mandat (1986-1990), prônait une solution à deux Etats, dont une Palestine « démilitarisée ». Réélu en 2006, il décide deux ans plus tard de déplacer son ambassade de Jérusalem à Tel Aviv, «  pour corriger une erreur historique » incompatible avec les résolutions des Nations unies, puis, dans le but de mettre fin à un « double standard », reconnaît l’Etat palestinien.

Le Venezuela d’Hugo Chávez suit un an plus tard, mais pour d’autres raisons. Depuis le 27 décembre 2008, l’opération « Plomb durci » lancée par l’armée israélienne contre Gaza a déjà fait plus de 1 000 morts et 4 500 blessés, parmi lesquels, comme aujourd’hui, de nombreux enfants, femmes et personnes âgées. Chávez s’emporte, parle de politique « génocidaire », estime que le massacre relève de la CPI et, après avoir rompu ses relations diplomatiques avec Israël le 6 janvier 2009 (imité le lendemain par Evo Morales en Bolivie), reconnaît l’Etat palestinien dès le mois d’avril suivant. Le sandiniste Daniel Ortega étant revenu au pouvoir après un tunnel néolibéral de seize années au cours duquel la droite avait repris langue avec Tel Aviv, le Nicaragua suspend à nouveau tout lien en février 2010, pour condamner l’attaque de la Flottille de la Liberté – un convoi maritime d’aide humanitaire en route vers la bande de Gaza.

Tous n’avancent pas au même rythme, mais, accentué par l’accession au pouvoir de gouvernements de gauche au début et au milieu des années 2 000, un mouvement a été enclenché. Après la République dominicaine en 2009 et surtout le Brésil en 2010, l’Argentine, la Bolivie, l’Equateur, la Guyane, l’Uruguay, le Paraguay, le Chili, le Surinam puis le Pérou reconnaissent la Palestine comme un Etat indépendant. En 2010 et 2011 respectivement, Lula et le président dominicain Leonel Fernández effectuent des visites historiques en Israël et dans les territoires occupés. Pour Lula, à ce moment, « la construction des colonies doit être arrêtée car la stabilité de la région est importante pour tout le monde ». Le conservateur chilien Sebastián Piñera suivra en 2019, l’Argentine, l’Uruguay et l’Equateur ayant entretemps ouvert des ambassades à Ramallah.

En juillet 2014, la majorité des pays d’Amérique latine condamnent fermement les bombardements de l’armée israélienne sur la bande de Gaza – l’opération « Bordure protectrice » (plus de 2 251 morts, pour la plupart civils) – et appellent à un cessez-le-feu immédiat.

Outre le Panamá, ne restent bientôt plus à la traîne que le Mexique et, comme à l’accoutumée… la Colombie, deux pays dont la politique étrangère reste largement dépendante des Etats-Unis. Il faudra attendre le 3 août 2018 pour que, provoquant la surprise, le président Juan Manuel Santos, ex-ministre de la Défense (d’Álvaro Uribe) très lié à l’industrie militaire israélienne et ami de Netanyahou, saute le pas. Avec la particularité d’accueillir un ambassadeur palestinien et d’avoir lui aussi une représentation à Ramallah, le Mexique ne suivra le mouvement général que le 2 juin 2023, sous AMLO. Après s’être distingué fin 2012 en étant le seul Etat de la région à voter contre l’obtention par la Palestine du statut d’ « Etat observateur non membre » des Nations unies (le Paraguay, la Colombie et le Guatemala s’abstenant), le Panamá est demeuré la seule nation continentale à accompagner (pour peu de temps encore, semblerait-il) les Etats-Unis et le Canada dans la non-reconnaissance de l’Etat palestinien [10].

Realpolitik

Une telle évolution ne signifie nullement un ralliement inconditionnel de tous à la seule cause palestinienne, loin de là. Signé le 18 décembre 2007 à Montevideo, l’Accord de libre-échange entre le Marché commun du Sud (Mercosur) et Israël n’a pour l’heure pas été remis en cause – trois des nations de cette organisation, l’Uruguay, le Paraguay et surtout l’Argentine de Milei, soutenant inconditionnellement l’Etat improprement appelé « hébreu » (20 % de sa population est constituée de Palestiniens musulmans ou chrétiens) [11].

Israël a en outre obtenu le statut d’observateur au sein de l’Alliance du Pacifique – Mexique, Colombie, Pérou, Chili –, nouvelle zone de libre-échange créée en 2011 pour faire pièce aux modèles d’intégration idéologiquement distincts prônés pendant la vague « rose-rouge » par l’Union des nations sud-américaines (Unasur), la Communauté des Etats latino-américains et caraïbes (Celac), l’Alliance bolivarienne pour les Peuples de notre Amérique (ALBA), emmenée par le Venezuela, ou même le Mercosur, sous influence du Brésil.

En septembre 2017, premier chef de gouvernement israélien à se rendre en Amérique latine, Netanyahou teste in vivo en Argentine, avec Mauricio Macri et le président paraguayen Horacio Cartes, puis en Colombie (Juan Manuel Santos) et au Mexique (Enrique Peña Nieto), la popularité de son pays, en signant une série d’accords de coopération dans des domaines aussi divers que le commerce, la sécurité, le développement agricole, la technologie, la médecine et la gestion de l’eau. Quelques jours plus tard, et depuis Jérusalem, le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA) Luis Almagro n’hésite pas à affirmer : « Israël est l’un de nos principaux partenaires en ce qui concerne le renforcement de la démocratie. »

Le 24 décembre, le président guatémaltèque Jimmy Morales annonce son intention d’imiter Donald Trump en transférant son ambassade de Tel Aviv à Jérusalem.

En janvier 2020, et tout en prônant l’existence de « deux Etats », le chef de l’Etat argentin Alberto Fernández se joignit au cœur au cours d’un voyage qui fit polémique dans son propre camp, en qualifiant de « très agréable » le déjeuner partagé avec Netanyahou et en exhortant à approfondir l’accord Israël-Mercosur, « non exploité de manière adéquate » jusque-là. En août 2020 enfin, la relation Tel Aviv-Bogotá atteignit son apogée avec la signature d’un Traité de libre-commerce « de dernière génération ». Tout comme celui qui l’avait précédé en 2013, cet accord n’exclue pas les entreprises situées dans les territoires occupés – à la différence (théorique) de celui souscrit entre Israël et l’Union européenne (UE).

Toutefois, malgré ce tropisme affirmé, l’économie et la géopolitique ont des impératifs que même des gouvernements considérés proches de Washington ne peuvent ignorer. Hors les secteurs liés au « sécuritaire », le commerce bilatéral Israël – Amérique latine est somme toute assez marginal. De ce fait, et depuis le premier Sommet pays arabes-Amérique latine (ASPA) né en 2005 à l’initiative de Lula, les nations « latinas » s’ouvrent commercialement aux pays arabes et au Moyen Orient [12]. Avec d’inévitables conséquences politiques. Le 3 octobre 2012, lors du troisième sommet, la déclaration finale en 70 points, dite « déclaration de Lima », soutiendra notamment « le droit du peuple palestinien à son indépendance et sa souveraineté et à vivre à l’intérieur de frontières reconnues et souveraines ».

Au plan économique, le Venezuela et l’Equateur (jusqu’en 2020 en ce qui concerne Quito) ont largement ouvert la voie en entretenant un dialogue suivi avec leurs partenaires arabes de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Disposant désormais d’accords de libre-échange avec l’Egypte, la Palestine et bientôt le Liban, les pays du Mercosur, et en tout premier lieu le Brésil, assurent près de 20 % des besoins alimentaires des pays du Moyen-Orient. Les exportations latino-américaines dans cette région atteignaient 28 milliards de dollars en 2019 ; celles du Moyen-Orient vers l’Amérique latine (gaz, pétrole et dérivés) représentent 12 milliards de dollars [13].

Qu’on rajoute à ce tableau quelques facteurs aussi divers que la réaffirmation par le Brésil de son rôle de puissance émergente, la recherche d’un monde multipolaire en compagnie de nouveaux partenaires (Chine, Russie, Iran, etc.), la nécessité pour le Chili de compter avec sa communauté palestinienne, l’indignation non feinte, à la différence des Etatsuniens et des Européens, devant la colonisation des « territoires » et la punition collective infligée aux 2,2 millions d’habitats de Gaza, et l’on comprendra ce tournant.

Les jours passant, les morts s’ajoutent aux morts dans l’enfer gazaoui (plus de 37 000 morts à l’heure où se termine la rédaction de cet article). Là où le président Joe Biden qualifie de « scandaleux » les ordres d’arrestation sollicités contre Netanyahou, son ministre de la Défense Yoav Gallant (et trois responsables du Hamas) par la CPI, là où Emmanuel Macron dissout la voix de la France (avant de dissoudre l’Assemblée) en prônant la reconnaissance d’un Etat palestinien « à un moment utile » et pas « sous l’émotion » (c’est-à-dire à la Saint-Glinglin), la gauche latino-américaine persiste et signe. Lula, qui a rappelé l’ambassadeur du Brésil en Israël, annonce qu’il n’en nommera aucun pour le remplacer. Le bolivien Luis Arce exhorte la communauté internationale à prendre des mesures pour « arrêter le génocide ». Le Venezuela fustige la pseudo « communauté internationale ». La Colombie de Petro annonce l’ouverture d’une ambassade à Ramallah et, au mépris de ses intérêts économiques, suspend ses exportations de charbon vers Israël, dont elle est le principal fournisseur, estimant que le minerai constitue une «  ressource stratégique pour la fabrication d’armes, la mobilisation des troupes et la fabrication de fournitures pour les opérations militaires  ». Tous dénoncent l’apathie complice des Etats-Unis et de l’Union européenne au Proche-Orient.

Luiz Inácio Lula da Silva et Yasser Arafat.

Antony Blinken et Benjamin Netanyahou.

Une fermeté d’autant plus compréhensible, pour ne pas dire légitime, que la gauche « latina » a elle-même été victime de l’État israélien et de son rôle de supplétif de l’Oncle Sam quand celui-ci veut se faire discret.

Cul et chemise avec les dictatures

Equateur, 1960 : José María Velasco Ibarra se permet imprudemment une rhétorique anti-impérialiste et inclut des « gauchistes » dans son gouvernement ; le 8 novembre 1961, il est évincé par l’armée ; le vice-président Carlos Julio Arosemena le remplace ; Arosemena étant aussi un « dangereux communiste », il maintient les relations diplomatiques avec Cuba ; il est déposé le 11 juillet 1963 par le haut commandement des forces armées ; une junte prend le pouvoir… Vers qui se tourner ? Il se trouve que, pour contrebalancer l’influence de La Havane, le « mal absolu », le gouvernement étatsunien incite les Israéliens à populariser leurs programmes d’action civique en Amérique latine. L’Agence américaine pour le développement international (USAID) finance les programmes en question. Vamos ! L’Académie militaire équatorienne envoie ses jeunes se former en Israël. Des liens sont établis. Les dits liens se renforcent en 1972, après un autre coup d’Etat. Entre 1973 et 1976, Tel Aviv livre pour 200 millions de dollars d’armes, d’explosifs et de munitions au régime militaire du général Rodríguez Lara. Des conseillers israéliens entraînent les forces de la répression.

En 1969, le Mossad israélien et la dictature d’Alfredo Stroessner ont conclu, pourrait-on dire, un « accord de libre commerce » : il s’agit de transférer au Paraguay 60 000 Palestiniens, par définition « non communistes », sur une période de quatre ans [14]. Asunción recevra 33 dollars pour chaque Palestinien débarqué ainsi que 350 000 dollars pour les frais provoqués par l’accueil de 10 000 personnes. Pour diverses raisons, ce projet de déportation échoue – mais « c’est l’intention qui compte », commenteront les observateurs avisés.

Depuis 1973, le ministère israélien de la Défense encourage activement les ventes d’armes à l’étranger. En Amérique latine, il existe potentiellement de bons clients. En 1974, débutent les livraisons au Chili du général Augusto Pinochet. Ces fournitures augmentent considérablement quand, trois ans plus tard, le président démocrate Jimmy Carter conditionne l’octroi d’aides économiques et militaires au respect des droits de l’Homme et que, révulsé par ces exigences, le dictateur chilien refuse toute assistance des Etats-Unis. Radars, missiles, navires, avions, armes de petit calibre, bombes à fragmentation : sans états d’âme, Israël prend immédiatement le relais.

En visite à Santiago en 1978 pour signer de nouveaux contrats, le général Mordechai Gur, chef d’état-major des Forces de défense israélienne (FDI), avance que « les allégations généralisées de torture et de meurtre à l’encontre du régime chilien sont fausses ». Egalement en tournée au Chili en 1984, le ministre israélien des Communications Amnon Rubinstein soutient que l’image du Chili, comme celle d’Israël et des « terroristes palestiniens » est « déformée dans les médias ». Ces relations privilégiées vont continuer à se développer jusqu’en 1990.

Entre 1976 et 1983, la proche dictature argentine de Jorge Rafael Videla et de ses successeurs – 30 000 morts et disparus – a de son côté acheté 95 % de ses armes à Israël.

En Amérique centrale

C’est l’époque où, plus au nord, l’Amérique centrale se soulève contre ses tyrans. Au Nicaragua, que la répression ensanglante de façon un peu trop voyante, un embargo décrété par Jimmy Carter – encore lui – empêche toute livraison d’armement. Toutefois, il ne s’agit pas pour Washington de favoriser la victoire des guérilleros du Front sandiniste de libération nationale (FSLN). Tandis que se déroulent les derniers combats, Carter cherche une solution de rechange à la dictature, mais sans les sandinistes. C’est donc en toute quiétude que David Marcos Katz, représentant pour l’Amérique centrale d’Israel Military Industries (IMI), organise d’importantes livraisons de fusils Galil. Les fournitures israéliennes à la Garde nationale ne s’interrompront que quinze jours avant la fuite de Somoza et de son clan aux Etats-Unis.

Les sandinistes installés au pouvoir et Ronald Reagan arrivé à la Maison-Blanche, le combat contre « les rouges » reprend de plus belle, sous les modalités d’un « conflit de basse intensité ». Organisés, structurés, entraînés et financés par Washington, les « contras » – contre-révolutionnaires recrutés parmi les débris des forces somozistes – harcèlent la jeune révolution depuis les territoires du Honduras et du Costa Rica. Le 7 décembre 1982, en visite à Tegucigalpa, Ariel Sharon, alors ministre de la Défense d’Israël, rencontre la direction de la « contra ». Les parties s’accordent pour canaliser via le Honduras les armes qu’Israël va fournir aux « contras ». Tout en vendant du matériel de guerre aux dictatures du Salvador et du Guatemala, l’International Security and Defense Systems (ISDS), entreprise de l’ex-agent du Mossad Leo Gleser, participe à la formation de ces « contras » qui, évitant d’affronter les troupes sandinistes, sabotent les infrastructures économiques et sèment la terreur au sein de la population.

En novembre 1986 éclate l’un de ces scandales dont les Etats-Unis ont le secret : l’Iran-contragate. Pour renouer avec les modérés iraniens et obtenir la libération de huit otages américains détenus à Beyrouth, Reagan a accepté de vendre des armes à l’Iran de Khomeiny, alors sous embargo. Pour ce faire, il s’est tourné vers l’ami israélien. Considérant l’Irak de Saddam Hussein comme l’ « ennemi principal », Tel Aviv a conservé des contacts avec Téhéran. C’est donc par ce canal qu’ont secrètement lieu deux livraisons en 1985. Ancien de la guerre secrète au Vietnam devenu membre du Conseil national de sécurité, le lieutenant-colonel Oliver North investit les sommes récoltées dans un fonds secret situé en Israël. Peu de temps après, ces 36 millions de dollars sont tout aussi secrètement déviés pour financer la guérilla antisandiniste que, depuis novembre 1984, le Congrès des Etats-Unis refuse de continuer à subventionner [15].

Lorsque viendra le temps du bilan, cette guerre sale de la « contra » aura fait 57 000 victimes, dont 29 000 morts, auxquels il convient d’ajouter les 30 000 morts de la lutte contre Somoza.

S’étalant, s’étendant, débordant, la politique d’Israël ne provoque pas que de la sympathie. Début 1979, Ernesto Liebes, consul honoraire d’Israël à San-Salvador et membre éminent de la communauté juive locale, a été kidnappé et assassiné par des « terroristes » des Forces armées de résistance nationale (FARN). « Il a été traité en criminel de guerre en raison du rôle qu’il a joué dans la vente d’avions israéliens aux forces armées salvadoriennes », déclare le dirigeant de la guérilla Germán Cienfuegos.

En mai 1980, d’autres opposants salvadoriens ainsi que des guatémaltèques rencontrent à Beyrouth des officiels palestiniens avec qui ils établissent des « relations militantes ». Ces centraméricains participeront bientôt à la création, au Salvador, du Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN) et, au Guatemala, de l’Armée de guérilla des pauvres (EGP). Engagés dans la lutte armée contre des pouvoirs répressifs, ces deux mouvements, parmi d’autres, condamneront bientôt (1982) la Colombie pour son intention de participer à la Force multinationale dans le Sinaï évoquée précédemment, sous l’égide des Etats-Unis.

Au Salvador, les Yankees dotent les forces armées d’un million de dollars par jour pour écraser la guérilla. Fidel au poste, Israël livre du matériel de guerre et envoie ses conseillers.

Le Guatemala, lui, devient un enfer…

Depuis le coup d’Etat organisé par la CIA en 1954 pour renverser le président démocratiquement élu Jacobo Árbenz, le Guatemala vit une persécution systématique des opposants. Un tel état de fait n’empêche nullement Israël d’offrir son assistance militaire dès 1971. En 1975, sont fournis à cet Etat terroriste des avions Arava et divers types d’armements – canons, armes individuelles – que les Etats-Unis refusent déjà de livrer [16].

Comme l’EGP précédemment citée, des mouvements armés ont surgi, regroupés en février 1982 au sein de l’Union révolutionnaire nationale guatémaltèque (URNG). Depuis 1978, sous la présidence du général Romeo Lucas García, les forces armées, conseillées par des experts américains et israéliens, ont mis en œuvre un programme d’intégration forcée des indigènes mayas par la création de « villages stratégiques », déjà expérimentée au Vietnam par les américains, et l’élimination physique des dirigeants. Ce sont les Israéliens qui, en 1980, ont entièrement rééquipé l’armée guatémaltèque avec des fusils Galil. Chef d’état-major sous la présidence de son frère, Benedicto Lucas García, un remarquable innovateur en matière de torture sur les enfants, décrit « le soldat israélien [comme] un modèle et un exemple pour nous »Les militaires guatémaltèques ont alors une admiration sans bornes pour la performance de l’armée israélienne lors de l’invasion du Liban en 1982.

De partout pleuvent les éloges. En mars de cette année 1982, un dangereux illuminé, membre actif d’une secte évangéliste qui s’est donné pour mission de sauver l’Occident, le général Efraín Ríos Montt, nouveau président de la junte militaire, déclare à un reporter du quotidien espagnol ABC que le succès de son coup d’Etat « est dû au fait que nombre de nos soldats ont été formés par les Israéliens ». Dans le programme télévisé « CBS Evening News », Dan Rather explique un an plus tard que si les armes et les méthodes israéliennes utilisées au Guatemala donnent de tels résultats, c’est parce qu’elles ont été « testées avec succès sur la Cisjordanie et la bande de Gaza (…)  »

C’est Benedicto Lucas García qui, en 1981, a présidé l’inauguration d’une « école d’électronique » conçue et financée par Israël. Destinée à épauler le service de renseignements, le sinistre G-2 – spécialiste de la torture, de l’assassinat et de la « disparition » –, l’installation abrite un système informatique qui va permettre le fichage systématique de 80 % de la population. Grâce aux ordinateurs israéliens, l’armée guatémaltèque découvre et détruit, en moins d’un an, une trentaine de caches des organisations révolutionnaires par une analyse des consommations nocturnes d’eau et d’électricité à Ciudad Guatemala.

S’ajoutant à la construction d’une usine d’armements dans la province de l’Alta Verapaz par l’Eagle Military Gear Overseas, l’aide israélienne s’inscrit dans le cadre d’un programme de pacification rurale qui s’inspire directement, d’après son responsable, le colonel Eduardo Wahlero, du « Nahal Program » – « Jeunes pionniers combattants » – destiné à former de jeunes israéliens aux techniques agricoles pour les installer dans les colonies de Cisjordanie.

Lorsque, en 1996, se terminera au Guatemala le conflit armé, le bilan atteindra 200 000 morts et 450 000 exilés au Mexique. Il a été établi que plus de 90 % des victimes civiles et presque essentiellement indigènes sont le fait de l’armée ou des paramilitaires des Patrouilles d’autodéfense civile (PAC). En 2013, Ríos Montt a été condamné pour « génocide et crime contre l’humanité » (même si la Cour constitutionnelle guatémaltèque s’empressa ensuite d’annuler le procès). Les complices étrangers de cet ethnocide n’ont jamais répondu de leurs actes.

Chiens de guerre en Colombie

« Un jour, l’armée et le gouvernement d’Israël nous demanderont pardon pour ce que leurs hommes ont fait dans notre pays ! » Quand, dans un tweet (X), le 15 octobre 2023, et alors que les bombes éventrent Gaza, le président Gustavo Petro s’emporte contre le gouvernement de Netanyahou, tout un chacun saisit à quoi et à qui il fait allusion.

La collaboration d’Israël avec l’oligarchie colombienne remonte à très loin. Entreprise d’Etat fondée en 1953 par Shimon Peres et Al Schwimmer, Israel Aircraft Industries (IAI) bénéficiait déjà de contrats avec la Colombie à la fin des années 1970 pour la maintenance de ses Mirage 5 [17]. IAI étendit son influence en fournissant ultérieurement des fusils Galil, des mortiers Soltan et, surtout, des avions de combat KFIR.

Depuis les années 1960, provoqué par les inégalités sociales, un conflit atroce et apparemment sans fin ravage le pays. Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et Armée de libération nationale, les deux principales guérillas mettent l’Etat en échec. Arrivé à la Casa de Nariño (la présidence) en 1986, Virgilio Barco cherche un spécialiste en « contre-insurrection ». Il le trouve en la personne de Rafael « Rafi » Eitan, ex-agent du Mossad et du Shin Bet (renseignement intérieur), adjoint d’Ariel Sharon dans les années 1970, puis conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre Yitzhak Rabin. Son principal fait d’arme, au sein du Mossad, est d’avoir dirigé la mission qui, en 1960, captura Adolf Eichmann à Buenos Aires pour le ramener en Israël en vue de son jugement. Eitan arrive discrètement à Bogotá le 7 août 1986. Après une première réunion tout aussi secrète au palais présidentiel, il parcourt le pays accompagné de partenaires colombiens – la compagnie d’Etat Ecopetrol finançant la mission en sous-main. Au terme de ce périple, l’Israélien expose ses premières recommandations au commandement militaire.

Fin août, débute le plan « Baile Rojo » (Bal rouge), une stratégie macabre d’extermination d’un parti, l’Union patriotique (UP), aux antipodes d’une organisation nazie. L’existence de ce parti né d’un accord de cessez-le-feu signé le 28 mars 1984 entre le gouvernement du conservateur Belisario Betancur et les FARC, laissait entrevoir le retour des insurgés dans le jeu démocratique et la fin du conflit armé. Considéré par l’extrême-droite colombienne comme le cheval de Troie des guérilleros, le mouvement verra 5 733 des siens mourir assassinés ou victimes de « disparitions » (d’après un rapport de la Justice spéciale pour la paix publié le 22 avril 2022) [18].

Eitan a toujours cherché à maintenir ses activités discrètes. Malheureusement pour lui, son rôle de conseiller officieux auprès du président Barco fut exposé par le quotidien colombien El Espectador, le 1er février 1987, puis le 3 septembre 1989 par le Washington Post [19]. Le magazine israélien Makor Rishon révélera pour sa part qu’il a joué un rôle central dans l’achat de vingt avions de combat KFIR.
Eitan est mort de sa belle mort, en mars 2019, à Tel-Aviv, à l’âge de 92 ans, encensé par les faiseurs d’opinion de toutes nationalités.

Le 22 octobre 1984, dans le Magdalena Medio, Puerto Boyacá se proclame « premier fortin antisubversif de Colombie ». De fait, en une courte période de six années, ce port moite situé sur la rive du fleuve Magdalena devient une espèce de « République indépendante anticommuniste » [20]. En 1987, le ministre colombien de la Justice, José Manuel Arias Carrizosa, a pris la présidence de l’Association des producteurs de bananes (Augura), laquelle cherche un moyen d’empêcher les guérillas marxistes d’affecter l’activité des grandes plantations. Pour ce faire, Carrizosa prend contact avec le lieutenant-colonel israélien Yitzhak Shoshani. Directeur de la firme officielle israélienne ISREX, celui-ci fournit depuis des années des technologies militaires à la Colombie. Shoshani conseille de recruter un certain Yair Klein, ancien des groupes d’assaut de l’armée israélienne, commandant d’un bataillon d’infanterie lors de l’invasion du Liban en 1982. Après avoir quitté Tsahal au rang de colonel, Klein a fondé Hod Hehanitin (en anglais Spearhead Ltd), une société de sécurité privée.

Klein débarque légalement fin 1987 à l’aéroport « El Dorado » de Bogotá, doté d’un « visa de travail ». Il y est accueilli par Shoshani et Ariel Otero, un ex-lieutenant de l’armée colombienne devenu le chef des paramilitaires de Puerto Boyacá. Quatre autres mercenaires israéliens font partie de l’expédition : Abraham Tzadaka, Amatzis Sheuli, Terry Melnyk et Yaakov Brine. Après passage par Cartagena, contact est établi sur place avec toute une nébuleuse : les dirigeants l’Association paysanne des éleveurs et agriculteurs du Magdalena Medio (ACDEGAM) ; des fonctionnaires du Département administratif de sécurité (DAS) ; le colonel Luis Bohorquez Montoya, commandant du Bataillon Barbula de Puerto Boyacá ; le capitaine Marco Mendieta Sierra, ex-commandant de la police du même lieu ; les chefs de la XIVe Brigade, stationnée dans la proche ville de Puerto Berrio ; les groupes d’autodéfense surgis avec leur complicité ; Carlos Castaño en personne, fondateur des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), la plus épouvantable des organisations paramilitaires (70 000 morts et plus de trois millions de déplacés, entre 1985 et 2005).

Le contact avec Castaño se fait on ne peut plus naturellement. En 1983, comme il l’a raconté dans ses mémoires [21], il a étudié un mois à l’Université hébraïque de Jérusalem et participé durant douze mois à un cours de contre-insurrection baptisé « 562 » avec des instructeurs israéliens. « C’est là que j’ai acquis la conviction qu’il était possible de vaincre la guérilla en Colombie. J’ai commencé à voir comment un peuple pouvait se défendre contre le monde entier. J’ai compris comment impliquer dans une guerre quelqu’un qui a quelque chose à perdre, en faisant de cette personne l’ennemi de mes ennemis. En fait, l’idée des armes de l’ “autodéfense”, je l’ai copiée sur les Israéliens ; chaque citoyen de ce pays est un potentiel soldat. »

Avec Klein, les objectifs à atteindre sont définis : nettoyer la région de l’influence de la guérilla en martyrisant sa base sociale réelle ou supposée. Spécifié ou non spécifié (mais implicite, connaissant le contexte) : déplacer la population paysanne et s’emparer de ses terres pour, entre autres activités plus formelles liées à l’ « agro », y installer des laboratoires de fabrication de cocaïne. La formation coûtera 800 000 dollars à ses instigateurs. Baptisée « Pablo Emilio Guarín Vera », du nom d’un initiateur politique du paramilitarisme assassiné par… des paramilitaires, elle débute en février 1988 dans une « finca », « La Cincuenta », appartenant au narcotrafiquant Gonzalo Rodríguez Gacha, alias « El Mexicano ». Durant quarante-cinq jours, trois groupes d’une trentaine de « sicarios » vont s’entraîner en jouissant des techniques, équipements et armes les plus sophistiqués dont dispose l’Armée de défense d’Israël [22].

Participant à l’un des cours et auteur de plusieurs tueries entre 1987 et 1989, Alonso de Jesús Baqueró, alias « El Negro Vladimir », euphémisera, quelques années plus tard, depuis sa prison, le rôle de son professeur : « Klein n’a jamais donné de conseils sur la façon de faire des massacres, mais sur la façon d’anéantir l’ennemi et de prendre le contrôle de la région [23]. » On a connu nuance plus probante…
Autre illustre élève de cette formation, Jaime Rueda Rocha, « sicario  » au service du narco Gonzalo Rodríguez Gacha, assassinera en 1989 le candidat présidentiel du Parti libéral Luis Carlos Galán, grand favori de l’élection. D’après un rapport du Comité des relations extérieures du Sénat américain, l’arme utilisée par Rueda pour ce meurtre faisait partie d’un lot de 500 mitraillettes fabriquées en Israël et transférées par Klein « au cartel de Medellin » [24].

Yair Klein

Massacres, assassinats, déplacements forcés, utilisation d’explosifs et de voitures piégées, appropriation systématique de biens privés… Dans une interview publiée le 1er octobre 1989 par El Espectador, Klein a raconté : « Lors de la première réunion que nous avons eue avec l’ACDEGAM et le vice-ministre, celui-ci, avec des larmes dans les yeux, nous a dit que nous étions le dernier espoir de la Colombie. » Question du journaliste : « Quel vice-ministre » ? Pas de réponse. Mais, en novembre 2012, témoignant depuis Israël, par Internet, en tant que témoin, au procès de l’ex-chef paramilitaire Ramón Isaza, Klein a affirmé que lors de son travail avec ces derniers, il a bénéficié de l’appui direct de l’armée et des institutions de l’Etat colombiens et même d’avoir été financé, entre autres, par quelqu’un qui, ensuite, deviendrait président du pays : « Je ne dis pas le nom parce vous savez parfaitement qui c’est [25]. » Inutile de préciser que les oreilles d’un certain Álvaro Uribe ont très sérieusement sifflé.
Côté Israël, aucune ambigüité non plus. A la journaliste Olga Behar, Klein a rapporté la réponse du ministre de la Défense de son pays lorsqu’il l’a informé de son activité : « C’est ton problème, nous, on s’en moque. Selon la loi israélienne, si tu vends du dentifrice à l’armée [colombienne], tu as besoin de notre autorisation ; mais si tu formes des civils, ce n’est pas notre problème. C’est le problème de la Colombie [26].  » Bref, a résumé Klein en une autre occasion, et là est le plus important, ses agissements étaient à l’époque « approuvés par les gouvernements israélien et colombien ».

En bon chien de guerre, Klein a poursuivi ses activités. Brièvement à la tête d’une Ecole internationale d’entraînement paramilitaire dans l’île caraïbe d’Antigua, à la demande du gouvernement d’Antigua et Barbuda, on le retrouve, après quelques « embrouilles », en Amérique centrale, en compagnie des « contras ». Fidèle en amitié, il organise depuis le Guatemala, avec Oris Zoller, directeur de GIRSA, une société liée à l’armée israélienne, la vente de 3 000 AK-47 aux paramilitaires colombiens. Arrêté en Sierra Leone fin 1999 pour avoir également fourni des armes, en contrebande cette fois, au Revolutionary United Front(RUF) que finance un trafic dit « des diamants ensanglantés », Klein y est incarcéré pendant seize mois.

En 2001, le voilà condamné par contumace à dix ans et huit mois par un tribunal colombien pour « instruction, entraînement aux tactiques, techniques et procédures militaires terroristes, aggravés par le fait d’avoir été commis avec des mercenaires, et complot en vue de commettre un crime ». Sous le coup d’un mandat d’Interpol, Klein est détenu à Moscou en 2007, passe trois ans en prison, avant d’être mis dans un avion pour Tel Aviv le 19 novembre 2010. La demande d’extradition formulée par Bogotá s’est curieusement heurtée à un avis de… la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), laquelle, subissant de fortes pressions du gouvernement israélien, estime que l’intégrité physique du mercenaire ne serait pas assurée en Colombie. Moscou ayant suivi les directives, Klein coule depuis ses vieux jours en Israël, qui refuse catégoriquement son extradition.

L’histoire d’amour entre Bogotá et Tel Aviv ne se termine évidemment pas là. Entre 2002 et 2006, selon les chiffres officiels du gouvernement d’Álvaro Uribe, les importations par la Colombie de matériel militaire israélien ont doublé – avec, en produits privilégiés, les fusils Galil et les avions KFIR. Dans ce pays des massacres et des fosses communes, le ministre de la Défense (et futur président) Juan Manuel Santos reconnaissait en 2008 une étroite coopération : « Le terrorisme se combat surtout et avant tout par le renseignement et, en la matière, Israël peut nous aider et apporter beaucoup.  » Lui-même, en tant que ministre, avait négocié avec son homologue Shlomo Ben Ami l’envoi d’une équipe de conseillers israéliens – trois ex-généraux, un sous-officier et trois interprètes – pour entraîner les forces de police locale en matière de « contre-insurrection ».

Aussi bien sous Uribe que sous Santos, puis Iván Duque, Global CST, sous contrôle de la société d’aviation militaire Elbit, le deuxième plus grand conglomérat de l’industrie de la défense israélienne, joue un rôle capital en matière de renseignement. La firme revendique avoir mené d’importantes interventions telles que l’« Operación Jaque » (2008), qui vit la libération d’Ingrid Betancourt et de trois mercenaires étatsuniens tombés aux mains de la guérilla, ou « Sodoma » (2010), au cours de laquelle fut tué le chef militaire des FARC, Jorge Briceño (alias « Mono Jojoy »). En avril 2012, en présence du ministre de la Défense Ehoud Barak, les deux pays signeront à Bogotá un traité de sécurité bilatéral annoncé comme « de haute importance » en matière de lutte contre le terrorisme. En visite à son tour en Israël (et dans les territoires occupés) l’année suivante, Santos déclarera avec le plus grand sérieux que les deux pays partagent « de nombreux principes : l’amour de la liberté, de la démocratie, de la paix. »

Toujours prêt à rendre service…

Près de quarante entreprises de sécurité israéliennes opèrent actuellement en Amérique latine. En 2009, le ministère de la Défense israélien a donné quitus à Global CST pour entraîner les Forces armées péruviennes – un contrat à 9 millions de dollars par an. Mais, en cette année 2009, c’est au Honduras que l’ombre d’Israël va particulièrement se manifester (même si, on l’a vu, sa présence y remonte aux années 1970-1980, lorsque se menait la « guerre sale » contre le Nicaragua et les oppositions armées des pays voisins). Quand, après avoir été renversé par un coup d’Etat et expédié manu militari au Costa Rica, Manuel Zelaya parvient à rentrer clandestinement à Tegucigalpa et à se réfugier dans l’ambassade du Brésil (alors gouverné par Lula), c’est avec une technologie de pointe israélienne que la dictature tente de l’en déloger : un canon sonique de type LRAD (« long range acoustic device ») provoquant de terribles douleurs aux oreilles en émettant un son strident.

Une fois le « golpe » consommé pour la plus grande satisfaction de la secrétaire d’Etat étatsunienne Hillary Clinton, la sécurité du président frauduleusement élu Porfirio Lobo repose entre les mains de l’International Security Academy (ISA), dirigée, comme il se doit, par d’ex-officiers du Mossad.
A Lobo succède en janvier 2014, au terme d’une « élection » tout aussi confisquée, Juan Orlando Hernández (JOH). En 1991, à 22 ans, celui-ci a foulé le sol de Jérusalem en tant que participant au programme « Mashav » (acronyme d’Agence israélienne pour la coopération internationale au développement). Partie prenante d’une diplomatie d’influence, ce programme forme gratuitement des milliers d’étudiants étrangers en matière de médecine, d’agriculture, de technologie, etc. – la Colombie étant, au cours des vingt dernières années, le pays d’Amérique latine qui y a envoyé le plus grand nombre de boursiers.

« Ce cours en Israël m’a fourni des outils pratiques qui m’ont aidé dans ma carrière publique et j’espère que d’autres jeunes de mon pays pourront bénéficier des cours du Mashav comme je l’ai fait », déclarera pour sa part JOH [27].

« Développement », peut-être… Surtout de la coopération guerrière et de la répression ! Signature d’un accord pour la formation en « renseignement militaire » en mai 2011. En 2016, JOH, qui se présente comme le champion de la lutte contre le trafic de drogue, se fait réélire en violant la Constitution, qui le lui interdit. Dans la foulée, Tegucigalpa et Tel Aviv signent un nouvel accord bilatéral répondant à la nécessité d’ « augmenter les capacités du pays en matière de défense et de sécurité ». Reconnaissant, JOH va inaugurer la nouvelle ambassade du Honduras à Jérusalem, le 24 juin 2021. Dans le pays opèrent nombre d’entreprises israéliennes de sécurité – Alfacom, Intercom, International Security and Defense Systems, Security and Intelligence Advising. Tout va bien, dans le meilleur des mondes, jusqu’à ce que, n’ayant plus besoin de lui, ou considérant qu’il est allé « un peu trop loin », les Etats-Unis ne réclament en 2022, au terme de son second mandat, l’extradition du désormais ex-président Hernández et ne le déclarent coupable de narcotrafic en mars 2024, ce qui lui fait encourir la prison à vie [28]. Pendant toutes ces années de collaboration étroite, les « rois du renseignement » hébreux (comme le pouvoir whashingtonien) ne s’étaient bien entendu rendus compte de rien.

Entre 2009 et 2014, c’est une entreprise de sécurité israélienne qui entraîne les unités de l’anneau de sécurité (Service de protection institutionnel ; SPI) du président panaméen Ricardo Martinelli. Au Pérou, et supposément méfiant envers les officiers de son armée nationale pour leur implication dans le gouvernement dictatorial d’Alberto Fujimori, Alejandro Toledo (2001-2006) les évince de la Sécurité du palais présidentiel et, sur les conseils de l’homme d’affaires peruano-israélien Josef Maiman, en confie la responsabilité à l’ex-militaire israélien Avraham « Avi » Dan On. Parallèlement à sa fonction officielle, celui-ci œuvre en coulisse pour contourner les appels d’offre et favoriser l’achat d’armes à Point Trading Group, filiale d’Israel Military Industries (IMI). D’autres entreprises grenouillent dans le marigot : Gilat Satellite Network, ELTA Systems, succursale pour sa part d’Israel Aircraft Industries.
Dan On terminera sa brillante prestation péruviene compromis dans un scandale qui vaudra ultérieurement la condamnation de Toledo : il a servi d’intermédiaire avec les représentants de la firme brésilienne Odebrecht pour l’octroi du chantier de la Route interocéanique, une connexion entre la côte péruvienne et le Brésil, en échange d’un pot de vin de 20 millions de dollars. Poursuivi par la justice du pays andin, Dan On peut heureusement compter sur Israël qui, comme à son habitude, refuse de l’extrader.

Durant la gestion de la gouverneure María Eugenia Vidal (2015-2019), une proche du président néolibéral Mauricio Macri surnommée « la Margareth Thatcher argentine », un contingent spécial de la Police de la province de Buenos Aires baptisé « Grupo Halcón » (« groupe faucon ») fut envoyé pendant deux semaines dans les territoires palestiniens occupés pour y être entraînés à la prévention, à la dissuasion, à la planification et à l’exécution d’interventions ainsi qu’à la préparation physique et mentale de « policiers d’élite ». En 2018, à Santiago, sous la présidence de Sebastián Piñera, ce sont les armées israélienne et chilienne qui signent de nouveaux accords de coopération en matière de formation militaire, de méthodes d’entraînement et de commandement.

On pourrait résumer cette énumération passablement longue mais néanmoins lacunaire par un constat : partout, associé au « bazar de la violence », Israël sert la droite, qu’elle soit démocratique ou non ; en tout lieu, Tel Aviv agit en supplétif de Washington, en pensée, en parole, par action et… sans omission.
Depuis 1992, Israël vote systématiquement, au côté des Etats-Unis, contre toutes les résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU dénonçant l’embargo américain contre Cuba.

« C’est une décision brutale, qui n’est pas à l’honneur du Venezuela et de son peuple, et qui traduit les alliances conclues par les dirigeants vénézuéliens avec les islamistes et les terroristes », réagit, le 7 janvier 2009, le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, après la rupture par Chávez des relations diplomatiques. Immédiatement après, la Palestine signe avec le Venezuela trois premiers accords de coopération universitaire, économique et commerciale. En 2014, le président Maduro paraphera un pacte de coopération énergétique et accueillera un premier contingent de 119 jeunes Palestiniens pour étudier la médecine intégrale à l’école Salvador Allende installée au Venezuela.

Hier comme aujourd’hui, l’arme fatale entre en action. Le 24 décembre 2005, le Centre Simon Wiesenthal a tronqué et manipulé sciemment un discours de Noël de Chávez pour accoler la souillure de l’ « antisémitisme » à son nom. Sans le moindre recul, Jean-Hébert Armengaud dans Libération ou Rebecca Manzoni sur France Inter, pour ne citer qu’eux, relayèrent l’ « information » [29]. Nombre de leurs collègues du ministère de la Propagande utiliseront les mêmes éléments de langage, quelque vingt ans plus tard, pour diaboliser la France insoumise (LFI) et souiller Jean-Luc Mélenchon.

Entretemps, quand, en 2019, sur ordre de l’administration de Donald Trump, l’opposant Juan Guaidó s’est autoproclamé président du Venezuela, Israël lui a ouvert une ambassade à Tel-Aviv. Le 22 juin 2020, tout en réclamant une intensification des sanctions et une intervention militaire contre la République bolivarienne, l’ « ultra » María Corina Machado, aujourd’hui supposée tête de proue et martyre de l’opposition vénézuélienne [30], signait un accord de coopération avec le Likoud de Netanyahou. Basé sur les « valeurs occidentales » et « la liberté et l’économie de marché », l’agenda politique entendait faire avancer les questions liées à « la stratégie, la géopolitique et la sécurité ».

Accord entre María Corina Machado et le Likoud

Dans le collimateur, également, Cristina Fernández de Kirchner (CFK). En phase, comme le fut son époux Néstor (décédé en octobre 2010), avec la vague progressiste qui transforma l’Amérique latine et rendit Washington hystérique, elle fit opérer un virage radical à la diplomatie argentine, traditionnellement marquée par sa proximité avec les Etats-Unis et Israël. Par le passé, l’Argentine a été marquée par des attaques attribuées (sans preuves absolument irréfutables) au Hezbollah et/ou à l’Iran visant, en 1992, l’Ambassade d’Israël, puis, en 1994, avec un solde de 85 morts, l’Association mutuelle israélite argentine (AMIA). La signature avec Téhéran en 2013 d’un pacte levant les accusations contre des suspects iraniens, en échange de pétrole à un prix avantageux, valurent à CFK de se retrouver dans le très infâmant « Top 10 de l’antisémitisme » élaboré par le Centre Simon Wiesenthal (CSW). Depuis, l’hostilité à son égard de la très pro-israélienne Délégation des associations israélite argentines (DAIA) ne s’est jamais démentie.

Loin de représenter tous les Juifs du pays, cette même DAIA exerce « en leur nom » une pression politique permanente sur la société argentine. C’est ainsi que, le 10 décembre 2021, dans le cadre de la « Journée de la Déclaration universelle des droits de l’homme » et d’un festival « Démocratie pour toujours » organisé par le pouvoir péroniste, elle dénonça la présence de l’Orkesta Popular San Bomba, qu’elle réussit à faire censurer par le gouvernement du très peu consistant Alberto Fernández, alors qu’il était invité. Pourquoi un tel recours à la « cancel culture » (culture de l’annulation) ? Le groupe musical est l’auteur et l’interprète d’une chanson intitulée « Cumbia Palestina », ainsi présentée sur sa page Facebook : « La Cumbia Palestina représente une brise d’espoir que nous donnons avec amour et solidarité à tout le peuple palestinien. Avec la musique et les paroles (…) nous sommes fiers d’exprimer haut et fort que “Les voix du peuple ne sont pas réduites au silence / Ni avec des lois, ni avec des balles / Avec la force d’un volcan, vous existez / Et nous crions haut et fort : la Palestine résiste !” [31]. »
Patatras ! On n’est jamais trahi que par les siens. Voici que, dans le cadre de sa croisade pour amincir l’État, le nouveau président, Javier Milei, a procédé à la fermeture de l’Institut national de lutte contre les discriminations (INADI). Une fois n’est pas coutume, les dirigeants de la DAIA, jusque-là plutôt favorables à l’ « anarcho-capitaliste » ont réagi. Il y a près de trois décennies, en compagnie d’autres organisations, c’est la DAIA qui a favorisé la création de l’institut. Fort heureusement pour Milei, une autre organisation juive se montre beaucoup plus accomodante. Le Centre Simon Wiesenthal se dit en effet d’accord avec l’évaluation du gouvernement selon laquelle l’INADI « ne remplissait pas les fonctions pour lesquelles il avait été créé », ajoutant que la lutte contre les discriminations « resterait une priorité du gouvernement [32] ». Connaissant l’extrême sensibilité de ce président d’extrême droite, tout un chacun s’est senti rassuré…

Cyniquement entretenue, la confusion entre « antisionisme » (ou même simple défense des droits des Palestiniens) et « antisémitisme » donne une allure respectable à un procès inique dont on connaît la sentence par avance. Comme CFK hier, comme Santos et bien d’autres aujourd’hui, le dirigeant communiste chilien de premier plan Daniel Jadue, maire de Recoleta [33], ex-pré-candidat à la présidentielle, a lui aussi eu les honneurs du CSW qui, le 29 décembre 2020, depuis Los Angeles (Californie), le plaça dans le « Top10 des pires antisémites de l’année 2020 » : « Jadue, membre du parti communiste, est une personnalité nationale et est mentionné comme un futur président potentiel. En utilisant les fonds municipaux pour financer des activités pro-BDS [boycott, désinvestissement, sanctions] et anti-Israël, le maire Jadue cible la communauté juive avec des calomnies pernicieuses qui rappellent les Protocoles des Sages de Sion. »

Circonstance aggravante, Jadue, petit fils d’immigrants palestiniens a été président de l’Union générale des étudiants palestiniens et coordinateur de l’Organisation de la jeunesse palestinienne d’Amérique latine et des Caraïbes. De quoi le disqualifier [34]. Mais…

« Je viens d’une famille juive et je suis fière de mes grands-parents et de mes parents, écrivait en 2009, pour dire son « horreur » des bombardements d’Israël à Gaza, une certaine Claudia Sheinbaum… élue présidente du Mexique le 2 juin dernier. Ma grand-mère paternelle, exilée de Lituanie pour des raisons économiques et raciales, est arrivée au Mexique avec une partie de sa famille dans la deuxième décennie du XXe siècle. Mon grand-père paternel est arrivé à la même époque, également exilé de Lituanie, pour des raisons politiques et raciales : il était juif et communiste. (…) Beaucoup de mes proches de cette génération ont été exterminés dans les camps de concentration. (…) C’est pourquoi, et parce que je me sens citoyenne du monde, je partage avec des millions de personnes le désir de justice, d’égalité, de fraternité et de paix, et je ne peux donc que voir avec horreur le images des bombardements de l’État israélien à Gaza… Aucune raison ne justifie le meurtre de civils palestiniens… Rien, rien, rien ne peut justifier le meurtre d’un enfant. C’est pour cette raison que je me joins au cri de millions de personnes dans le monde qui réclament un cessez-le-feu et le retrait immédiat des troupes israéliennes du territoire palestinien. Comme l’a dit Alberto Szpunberg, poète argentin dans une lettre récente : “C’est de cela qu’il s’agit : sauver un monde, ce monde unique et angoissé que nous habitons tous, qui appartient à tout le monde et qui s’appelle aujourd’hui Gaza” [35].  »

Depuis les événements du 7 octobre, à l’instar de ses homologues et du peuple de la gauche latino-américaine, Sheinbaum a condamné les attaques contre les civils, appelé à un cessez-le-feu et affirmé son soutien à une solution à deux Etats. Le 10 mai 2024, l’Assemblée générale des Nations unies n’a pas dit autre chose en entérinant une résolution en faveur de l’admission de l’Etat de Palestine en tant que Membre de plein droit de l’ONU. Adoptée par 143 voix pour, 9 voix contre – Argentine, Etats-Unis, Hongrie, Israël, Micronésie, Nauru, Palaos, Papouasie-Nouvelle-Guinée, République tchèque – et 25 abstentions, la résolution recommande au Conseil de sécurité de « réexaminer favorablement » cette question, suite à l’inévitable veto que lui opposa, le 18 avril, les Etats-Unis.
Antisémite l’ONU ?

Maurice LEMOINE


[1] Selon un décompte réalisé par l’Agence France Presse (AFP) à partir des derniers chiffres officiels disponibles le 1er février 2024.

[2https://arretsurinfo.ch/nous-ne-savions-pas-diront-ils/

[3] Le 29 novembre 1947, la toute nouvelle Organisation des Nations unies divise la Palestine, alors sous mandat britannique, en trois entités (résolution 181) : un Etat juif, un Etat arabe et Jérusalem (sous mandat international).

[4] En 1948 : Nicaragua, Costa Rica, Uruguay, République dominicaine, Salvador, Guatemala, Honduras, Panamá, Paraguay et Venezuela. En 1949 : Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Cuba, Pérou, Equateur et Mexique. En 1950 : Haïti.

[5https://revistaraya.com/colombia-el-israel-de-america-del-sur.html

[6] Participent également à cette mission l’Australie, le Canada, Fiji, la France, la Hongrie, l’Italie, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, les Etats-Unis, l’Uruguay, les Pays-Bas et la République tchèque.

[7] Six jours après le coup d’Etat de 1973 renversant au Chili Salvador Allende et l’Unité populaire, le Comité représentatif de la collectivité israélite envoya une lettre de félicitations à la nouvelle Junte de gouvernement.

[8] Entre 1860 et 1914, une première vague d’environ 1,4 million de personnes d’origine syro-libanaise a fui l’Empire ottoman pour aller s’installer dans les Amériques. Comptant de nombreux Palestiniens, la deuxième vague démarrera à partir des années 1920.

[9] Selon des chiffres publiés par les autorités libanaises en 2018.

[10] Les Etats insulaires caribéens de la Barbade, de la Jamaïque, de Trinité-et-Tobago et des Bahamas, l’ont reconnu en 2024.

[11] L’Etat d’Israël distingue la « nationalité » (juive, arabe, druze, etc.) de la « citoyenneté » israélienne. En 2023, on comptait environ 1 960 000 Palestiniens d’Israël (dits également « Arabes israéliens »).

[12] L’ASPA réunit douze pays sud-américains et vingt-deux pays du monde arabe.

[13] Christophe Ventura, Géopolitique de l’Amérique latine, Editions Eyrolles, Paris, 2022.

[14https://orientxxi.info/magazine/l-histoire-oubliee-de-l-alliance-entre-israel-et-les-dictatures-latino,4156

[15] Cette décision a été provoquée par la découverte d’un Manuel de sabotage, élaboré par la CIA à l’usage des « contras », et qui, entre autres joyeusetés, conseille de « neutraliser » les autorités civiles.

[16] Ignacio F. Klich, « Les choix de Jérusalem en Amérique centrale », Le Monde diplomatique, octobre 1982.

[17] Inspiré du Mirage III, avion de combat supersonique français qui avait été un élément essentiel de la victoire israélienne lors de la guerre des six jours en 1967, le Mirage 5 fut conçu à la fin des années 1960 par la société Dassault à la demande spéciale de l’Armée de l’air israélienne. Aucun des cinquante appareils commandés ne fut livré à Tel Aviv. Le général de Gaulle ayant imposé un embargo sur les armes a destination d’Israël, le Mossad réussit à se procurer la quasi-totalité des plans du Mirage 5, Israel Aircraft Industries les utilisa pour développer l’industrie aéronautique locale en produisant d’abord le Nesher (qui fit des ravages durant la Guerre du Kippour en 1973), puis un nouvel avion dénommé Kfir (Lionceau en hébreu), qui équipa ultérieurement et entre autres l’armée de l’air colombienne.

[18] Parmi les victimes, deux candidats à la présidence, huit congressistes, treize députés, onze maires, soixante-dix conseillers communaux.

[19https://www.washingtonpost.com/archive/opinions/1989/09/03/israeli-consultants-should-be-more-careful/721160fa-00df-4d24-9657-c7468617f82c/

[20] Carlos Medina Gallego, Autodefensas, paramilitares y narcotráfico en Colombia, Editorial Documentos Periodisticos, Bogotá, 1990.

[21] Mauricio Aranguren Molina, « Mi confesión. Carlos Castaño revela sus secretos », Editorial Oveja negra, Bogotá, 2001.

[22] Guido Piccoli, El sistema del pájaro. Colombia, paramilitarismo y conflicto social, Instituto latinoamericano de servicios legales (ILSA), Bogotá, 2005.

[23https://tramas.ar/2023/11/19/israel-la-motosierra-y-las-masacres-paramilitares-en-colombia/

[24https://books.google.fr/books?id=R_plAwAAQBAJ&pg=PA77&lpg=PA77&dq=nbc+news+yair+klein&source=bl&ots=-wYIN3i54V&sig=ACfU3U0WdQp373757RMbJfZtIDX7hP0vLw&hl=en&sa=X&redir_esc=y#v=onepage&q=nbc%20news%20yair%20klein&f=false

[25https://www.bbc.com/mundo/noticias/2012/11/121114_colombia_yair_klein_perfil_claves_paramilitarismo_aw

[26https://www.las2orillas.co/donde-esta-yair-klein-el-mercenario-israelita-que-entreno-a-los-paramilitares-en-el-magdalena-medio/

[27https://bdscolombia.org/wp-content/uploads/2018/11/El-militarismo-israel-en-Am%C3%A9rica-Latina.pdf

[28] Lire « Honduras : du coup d’Etat au narco-Etat », 22 avril 2022 – https://www.medelu.org/Honduras-du-coup-d-Etat-au-narco-Etat

[29http://www.acrimed.org/rubrique355.html

[30] Vainqueure d’une primaire organisée informellement pas la droite, Machado ne peut se présenter à l’élection présidentielle du 28 juillet 2024 car déclarée inéligible, du fait de ses activités déstabilisatrices, depuis déjà longtemps.

[31https://www.youtube.com/embed/1YaKHUKT_qQ?feature=oembed

[32https://fr.timesofisrael.com/argentine-une-organisation-juive-denonce-la-fermeture-dun-service-de-lutte-contre-les-discriminations/

[33] L’une des trente-sept municipalités qui composent le Grand Santiago.

[34] Victime d’une instrumentalisation de la justice (« law fare »), Jadue vient par ailleurs d’être incarcéré préventivement pour avoir permis l’accès de ses administrés à des médicaments à prix coûtant, par le biais d’une pharmacie populaire, au détriment des intérêts privés.

[35https://www.jornada.com.mx/2009/01/12/index.php?section=opinion&article=002a2cor

Source: Mémoire des luttes