L’explosion sociale a mis en évidence qu’il n’y avait pas une opposition mais deux. Celle des partis de la Concertation (de la Démocratie Chrétienne au Parti Socialiste) qui se sont accommodés du système ultralibéral et de la Constitution de Pinochet. Celle de gauche autour du Parti Communiste et du Frente Amplio qui veut s’attaquer véritablement aux causes de l’inégalité et de la misère.
En octobre ont eu lieu des négociations entre toute l’opposition pour l’organisation de primaires pour les élections locales. Le but de la Concertation était d’attirer le Frente Amplio et d’isoler le Parti Communiste du Chili. La manœuvre a échoué. La majorité des partis et des militants du Frente ont refusé de s’unir avec l’ex-Concertation sans le Parti Communiste.
Le 27 novembre un premier accord était signé entre le Parti Communiste et le Frente Amplio pour les élections locales. Un autre va être rendu public dans les prochains jours : les deux partis présenteront des listes unitaires pour la Constituante. Ce rapprochement est stratégique.
Ce rapprochement du Frente Amplio et du Parti Communiste a amené la droite du Frente à quitter le navire. Plusieurs députés et un des partis composants le Frente Amplio ont fait scission.
Pourquoi la Démocratie Chrétienne a mis tant d’ardeur à vouloir isoler le Parti Communiste aujourd’hui et pourquoi le Parti Socialiste reste-t-il silencieux ? La réponse a un nom : Daniel Jadue, le candidat communiste à la présidentielle. La Démocratie Chrétienne ne veut pas de primaires à la présidentielle avec le Parti Communiste parce que tous les sondages donnent gagnant Daniel Jadue.
La Démocratie Chrétienne veut des primaires de l’ex-Concertation seulement. Le Parti Socialiste lui est partagé entre une majorité attachée au système libéral et une forte minorité qui est prête à soutenir Jadue si ce n’est au premier tour, au second sans hésitation. Le Parti Socialiste risque de connaitre de fortes turbulences internes au fur et à mesure que l’on se rapprochera de la présidentielle et qu’il faudra choisir entre l’ultralibéralisme et l’antilibéralisme.
La droite du Frente Amplio en quittant le Frente début décembre l’a clairement dit : elle ne veut pas soutenir Jadue contrairement à la majorité de gauche du Frente Amplio. Dans un vote interne dimanche dernier, les deux tiers des militants du Frente Amplio se sont prononcés pour l’alliance avec le Parti Communiste, moins de 30% avec l’ex-Concertation.
Le Chili, 50 ans après la victoire d’Allende à la présidentielle de 1970, retrouve son clivage traditionnel en trois blocs : la droite, le centre-gauche et la gauche. Le seul élément fondamentalement différent dans cette recomposition est qu’avant 1970, le PS faisait partie de la gauche et non pas du centre gauche comme aujourd’hui.