L’Accord de Paix a donné de l’espoir à des milliers de familles qui vivent de la culture de la feuille de coca pour son utilisation illégale abandonnées par l’Etat qui ont pensé que le moment était venu de les remplacer et d’être soutenues dans des projets de production et de revenir dans l’économie officielle. Mais 4 ans plus tard, les promesses sont restées sur la papier et ceux qui se sont engagés dans cette initiative sont menacés et assassinés.
75 ! C’est le nombre de défenseurs des droits de l’homme impliqués dans cette substitution des cultures illégales qui ont été assassinés entre le 24 novembre 2016 et le 30 juin de l’année dernière.
Cette révélation alarmante fait partie du rapport « La substitution volontaire sème la paix » que présentent aujourd’hui la corporation Viso Mutop, association MINGA et le programme « Nous sommes des défenseurs. » L’enquête collective signale que les faits survenus entre 2016 et 2017 met en évidence les difficultés qu’il y a à mettre en place l’Accord de Paix et que les années suivantes reflètent « une escalade de la violence aiguisée par le non respect par les Gouvernements d’une grande partie du contenu des accords, en particulier en ce qui concerne le point 4 « solution au problème des drogues illégales » et également à cause de l’absence d’une mise en œuvre efficace du Programme National Intégral de Substitution des Cultures Illégales (PNIS). »
Au moment de la relève au Palais de Nariño le 7 août 2018, quand la période présidentielle de Juan Manuel Santos (2010-2018) s’est achevée et que celle d’Iván Duque Márquez (2018-2022) a débuté, cette année-là se détache comme laplus violente pour ceux qui encouragent la substitution volontaire.
Au niveau géographique, on remarque que les 75 assassinats se sont déroulés dans 12 des 32 départements du pays. Les 5 territoires dans lesquels il y a eu le plus de cas sont Antioquia : 24, Cauca : 18, Nord de Santander : 8; Putumayo : 7 et Nariño : 5. Le reste a eu lieu à Córdoba, Caquetá, Chocó, Meta, Valle del Cauca, Bolívar et Guaviare.
Le rapport attire l’attention sur un point essentiel : les départements dans lesquels il y a eu le plus de cas de partisans de la substitution volontaire assassinés sont des endroits dans lesquels ont eu lieu des opérations d’éradication forcée avec 71 incidents entre la Force Publique et les familles de cultivateurs, le Nord de Santander, à Putumayo, Nariño et Antioquia représentent environ 76% des cas.
Ces affrontements surviennent au milieu de politiques contradictoires car 1 an avant la fin de son mandat présidentiel, Santos a repris les éradications forcées alors que le PNIS faisait ses premiers pas. Et cela a été repris avec force par le Gouvernement Duque qui a même cherché à revenir à l’aspersion aérienne de glyphosate.
A ce sujet, le rapport lance un avertissement : « Ces 2 voies ont été suivies en même temps avec un gros problème et en plus de la lenteur de la mise en œuvre de la substitution, on a imposé l’éradication aux cultivateurs, même à) ceux qui étaient inscrits au PNIS. »
En ce qui concerne la gestion du Programme de Substitution par l’actuel Gouvernement, l’enquête regrette qu’il ait « paralysé l’avancée du PNIS en alléguant que celui-ci avait été mal planifié, qu’il ait chassé la direction du PNIS de la présidence et l’ait transféré à l’ART, ait arrêté les scénarios de participation du programme, ait remis toutes les demandes aux PDET et se soit consacré à suspendre ou à expulser les familles sous prétexte d’un document manquant en violant la bonne procédure envers les personnes affectées. »
D’autre part, concernant les responsables de ces 75 assassinats, comme d’habitude dans les agressions de dirigeants sociaux en Colombie, on ignore la responsabilité du crime dans la plupart des cas. Elle met aussi en évidence le non respect du point de « non répétition de la violence » car une bonne partie des cas est attribuée à des groupes nés après la démobilisation des Autodéfenses Unies de Colombia (AUC) et des FARC.
Cette enquête traite 5 cas emblématiques d’organisations sociales et de défenseurs des droits de l’homme qui ont subi des agressions pour avoir parié sur l’Accord de Paix et concrètement, sur la substitution volontaire des cultures illégales.
Association Paysanne du Sud de Córdoba,
Emérite Digne Buendía Martínez,
Communautés des rives du fleuve Guayabero
Massacre d’El Tandil
Marco Rivadeneira
Ainsi, l’une des conclusions les plus fortes de ce rapport est qu’il existe « 3 groupes de population en danger actuellement : 1) Ceux qui s’opposent à l’éradication et deviennent des victimes, 2) Ceux qui soutiennent ou ont soutenu le programme PNIS et n’ont aucune garantie qu’il sera respecté par le Gouvernement ni garanties de sécurité sur leurs territoires, 3) Ceux qui construisent sur leurs territoires des entités autogérées ou dirigent des processus de négociation pour d’autres programmes de substitution ou de reconversion hors du PNIS. »
Et il poursuit : « Dans tous les cas, des hommes et des femmes deviennent des victimes et dans certains cas, des enfants aussi. Dans les communautés les plus en danger, on trouve des indigènes et des afro-descendants qui sont attaqués par des acteurs de différente nature. »
En plus de faire cette radiographie de la violence que subissent les partisans du processus de substitution, dans 3 chapitres de plus, ce rapport détaille les luttes du paysannat qui a été oublié et exclu par l’Etat pour être reconnu en tant que sujet politique et social et il dénombre les politiques de lutte contre les drogues en Colombie et leurs effets dans les champs et évalue la mise en œuvre du PNIS et souligne des initiatives de substitution propres à certaines communautés.
Source: Verdad Abierta – Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos