Rafael López Aliaga a fait irruption dans la campagne avec un discours d’extrême-droite. Le patron millionnaire est l’objet d’une enquête pour blanchiment d’argent dans le cadre de l’affaire des Panamá Papers. Membre de l’Opus Dei, il a des chances d’arriver au second tour des élections présidentielles, le 11 avril.
Une version locale du fasciste Jair Bolsonaro menace la démocratie péruvienne. Le patron millionnaire Rafael López Aliaga a fait irruption dans la campagne électorale avec un discours agressif d’extrême-droite étroitement lié au fanatisme religieux et a des chances d’arriver au second tour des élections présidentielles, le 11 avril 2021. Dans une campagne électorale qui se déroule au milieu de la grave crise sanitaire, sociale et économique provoquée par la pandémie de coronavirus, une classe politique discréditée par des dénonciations récurrentes de corruption, discrédit qui se reflète dans le faible soutien de tous les candidats à la présidence, ce personnage a fait son apparition pour se placer dangereusement entre les candidats.
A 2 semaines des élections, un sondage de l’Institut d’Etudes Péruviennes (IEP) publié ce dimanche confirme la division des voix entre les 18 candidats et un fort pourcentage d’indécis qui frôle les 30%. Dans ce sondage, l’ex-congressiste Yonhy Lescano occupe la première place avec à peine 11,4%. Un candidat avec un discours de centre-gauche dans le domaine de l’économie mais des positions conservatrices dans le domaine social et des droits. A la seconde place se trouve le fasciste López Aliaga, con 9,7%, à égalité technique avec la candidate de gauche Verónika Mendoza, qui a 9,6%. Juste derrière dans le groupe des petits chefs de file se trouvent l’économiste de droite Hernando de Soto (8,5%), l’ancien footballer de centre-droite George Forsyth (8,2%) et Keiko Fujimori (7,9%). Dans cette situation, le candidat d’extrême-droite n’a pas eu besoin d’un soutien massif pour s’immiscer dans la bataille pour la présidence.
Arrogant, avec des airs de patron tout-puissant, intolérant, contrariant, enclin aux insultes et à la diffamation contre ceux qui le critiquent, faisant constamment de fausses affirmations, avec un discours autoritaire et opposé aux droits, López Aliaga, 60 ans, membre de l’ultra-conservateur Opus Dei, a construit sa proposition politique sur le soutien des secteurs les plus conservateurs du catholicisme et de l’évangélisme. Sa principale force se trouve à Lima dans les secteurs les plus riches. Et parmi les hommes. Les femmes le soutiennent moins car ses propositions sont profondément machistes. Il est connu sous le nom de “Porky” à cause de sa ressemblance avec le personnage du dessin animé. Un surnom qu’il utilise lui-même, convaincu que cette ressemblance l’aide à promouvoir son image.
Dans le cadre d’une classe politique discréditée, López Aliaga, candidat pour Rénovation Populaire, a gagné du soutien en se présentant comme éloigné de la politique. « Je ne suis pas un homme politique, je suis un gérant, » répète-t-il sans arrêt bien qu’il ne soit pas nouveau en politique. Auparavant, il a été conseiller à Lima et dans sa campagne, il se vante de ses succès économiques en tant que patron. Sans pouvoir sortir du discrédit à cause des accusations de corruption dont il est l’objet et à cause du fait que sa majorité parlementaire a fait obstruction, le radical “Porky”, a dépassé Keiko Fujimori à droite et lui a volé des électeurs.
Ce “Porky” est un fanatique religieux qui affirme que la gauche « est diabolique » et qu’il la combattra. Il voit partout des marxistes et des communistes au point qu’il a qualifié l’actuel Gouvernement du centriste Francisco Sagasti et le précédant de centre-droite de Martín Vizcarra de “communistes”. Dans une attitude putschiste, il s’est prononcé en faveur de la destitution du président Sagasti. Messianique, il dit que sa candidature à la présidence « est un rôle qu’il assume pour la Patrie et pour Dieu ! » Célibataire depuis ses 19 ans, il a avoué utiliser des cilices et pratiquer autoflagellation et penser à la Vierge Marie dont il est amoureux pour éloigner les tentations et rester célibataire.
Il a annoncé que son Gouvernement en finirait avec l’éducation sexuelle au collège. Il rejette aussi l’éducation à l’égalité de genre et le respect de la diversité qu’il qualifie « d’idéologie de genre », s’alignant sur des positions ultra-conservatrices comme celles du collectif « Ne touche pas à mes enfants » et il dit qu’on « est entrain d’homosexualiser les enfants. » « Nous allons exterminer l’idéologie de genre, on ne peut pas importer un modèle marxiste d’éducation sexuelle. »
Sa candidate à la première vice-présidence (au Pérou, il y a 2 vice-présidents) Neldy Mendoza, qui semble sortie du plus obscur Moyen-Age quand elle parle, a dit que la seule éducation sexuelle acceptable est l’abstinence. Elle affirme que prendre des contraceptifs, c’est une invitation au viol de la part des femmes et que celles qui sont frappées par leur conjoint sont coupables d’avoir provoqué cette violence chez les hommes. L’une des plus importantes candidates de Rénovation Populaire au Congrès, Milagros Aguayo, prêche que « dieu a créé l’homme pour être le roi. Aucune femme n’a le droit d’enlever l’homme de l’endroit où Dieu l’a mis. » Des postions délirantes comme il y en a beaucoup dans le parti du “Bolsonaro péruvien”.
López Aliaga refuse le droit des femmes à l’avortement même en cas de viol. « Si elles en veulent pas de cet enfant, qu’elle sle fassent adopter, » dit-il sèchement. « Laissons faire la nature, » répond-t-il quand on lui pose des questiosn sur les risques pour la vie d’une fillette violée, un grave problème dans le pays, si elle poursuit sa grossesse. Il condamne avec la ferveur du fanatique la mariage égalitaire. Dans son groupe politique, ils parlent de l’homosexualité comme « d’un problème qu’il faut soigner. »
En économie, le patron parie sur l’investissement privé auquel il offre de grandes facilités. Il parle contre les monopoles mais s’est fait une fortune grâce au contrôle du très rentable train qui relie la ville andine de Cusco et les ruines du Machu Picchu, principal site touristique du pays, un monopole qu’il a obtenu sous la dictature d’Alberto Fujimori. Il parle d’affronter l’évasion fiscale mais plusieurs de ses entreprises accumulent des dettes qui équivalent à environ 8 000 000 de $. Il est l’objet d’une enquête pour blanchiment d’argent dans l’affaire des Panamá Papers. Il annonce qu’il fermera des programmes sociaux comme la distribution d’aliments aux écoles pauvres et que cette tâche sera réalisée par des volontaires privés.
Comme Bolsonaro, il rejette les restrictions de déplacement et l’utilisation de masques pour affronter la pandémie de coronavirus. Dans beaucoup de ses apparitions, il n’utilise pas de masque et quand il le porte, il dit qu’il le fait « pour que la presse ne [le] critique pas. » Il cherche à privatiser la vaccination pour que des patrons puissent acheter et vendre les vaccins en pleine pandémie : « Les Péruviens peuvent payer pour se faire vacciner, » a-t-il déclaré pour justifier sa proposition. En ignorant la réalité économique d’une bonne partie de la population et la discrimination que provoquerait la privatisation des vaccins.
Ce “Porky” n’est pas un personnage sympathique et charmant comme l’original mais un danger agressif et sérieux pour la démocratie et les libertés.
Source: Pagina12 – Traduction: Françoise Lopez pour Bolivar Infos